LE DÉBARDEUR MARCEL ÉLU OBJET CULTE FRANÇAIS
Porté sous une chemise ou arboré fièrement pour mettre en valeur les biceps et les pectoraux, le Marcel va à tout le monde : aux frileux et aux douillets qui apprécient le confort et la chaleur de ce débardeur léger, aux athlètes et à tous les baraqués, mais aussi aux jardiniers, aux boulangers, aux danseurs, aux ouvriers du bâtiment, aux joggeurs et à celles et ceux qui aiment se sentir libres de leurs mouvements. Ce sont d’ailleurs les manutentionnaires des Halles de Paris, les fameux « forts des halles » qui ont lancé, dans les années 1860, la mode du pull de laine sans manches car le débardeur facilitait le port de charges lourdes sur leurs épaules. La mode se répand rapidement, et un bonnetier de Roanne, Marcel Eisenberg, se lança dans la production industrielle du tricot de peau sans manches : son prénom, qu’il utilisait comme marque commerciale, devint ainsi le nom du produit phare sur lequel l’entrepreneur avait tout misé.
Le débardeur blanc qui protège bien le torse du froid et du vent fait partie du paquetage des Poilus dans les tranchées. Sa légèreté convient également aux estivants, toujours plus nombreux grâce à l’instauration des congés payés dans les années 1930. Le Marcel va ainsi connaître son âge d’or des années 1930 aux années 1970, où même les vedettes de cinéma l’exhibent, de Raimu dans La Femme du boulanger à Belmondo dans Le Professionnel et Marlon Brando dans Un tramway nommé désir. Roanne, ville tranquille sur les bords de la Loire, se transforma pendant plusieurs décennies en capitale du Marcel, un sous-vêtement qui avait conquis tous les continents et semblait indéboulonnable. C’était sans compter les étranges années 1990 durant lesquelles le Marcel fut à tort considéré comme « prolo » et passé de mode.
La belle histoire aurait pu se terminer brutalement en 1990, à la fermeture
de la dernière usine, mais le Marcel avait une destinée de Belle au Bois dormant :
il suffit qu’un entrepreneur roannais, Thomas Sardi, reprenne le flambeau pour qu’il revive de ses cendres, avec des déclinaisons en douze teintes et
des séries limitées collector.